2023 – SYMBIOSIUM (centre Wallonie-Bruxelles à la Fondation Fiminco Paris)

Le projet Symbiosium (Cosmogonies Spéculatives) réunit artistes, penseurs, créateurs rassemblés autour de démarches artistiques qui sondent la question du vivant, de sa temporalité réductible, la question de la structuration de la réalité et des récits qui la virtualisent. L’exposition est conçue comme un véritable laboratoire de création et d’idées proposé à tous les publics pendant 7 semaines inédites, évolutives, immersives, performatives et participatives pour éprouver une vision du monde comme le lieu d’une création collective de la parole et de la pensée entre toutes les communautés des êtres vivants : le symbiosium. 7 semaines pour « freaktionnaliser et décoïncider la réalité » selon l’expression de Stéphanie Pécourt, directrice du Centre Wallonie-Bruxelles/Paris.





‘Microbial Ancestors’ and the poster of the exhibition ‘Symbiosium, Cosmogonies Spéculatives’

L’installation “Microbial Ancestors” de l’artiste Annemarie Maes est composée d’une tapisserie originale, de deux aquariums avec des organismes symbiotiques vivants et d’une vidéo intitulée “Theatrum Algaerium”.
La tapisserie, pièce centrale de l’installation, constitue un rendu topographique tissé, permettant de visualiser la culture d’organismes symbiotiques. Elle mesure plus de 2 mètres et a été tissée en 7 couches sur une machine à tisser Dornier Jacquard contrôlée par ordinateur. Elle est composée de fibres naturelles telles que le lin et le coton bio, ainsi que des fibres synthétiques telles que le polyester et l’elirex. Cette peau microbienne originale est la traduction de la collaboration entre des bactéries Acetobacter xylinum et les cellules de levure Saccharomyces cerevisiae colonisant le même environnement : un mélange organique d’ortie fraîche, de thé vert, de sucre et de vinaigre.
Les deux aquariums contiennent des organismes symbiotiques vivants, qui ajoutent une dimension biologique à l’installation. En observant les formes organiques étranges et intrigantes de ces sculptures vivantes, nous sommes transportés dans un monde inconnu et fascinant. Les couleurs et les textures rappellent les formes de vie primitives et originelles qui ont existé il y a des milliards d’années. Ces formes nous évoquent également la complexité de notre propre système biologique : écosystème singulier, peuplé de milliards de micro-organismes qui nous permettent de survivre.
La vidéo “Theatrum Algaerium” créée en 2021, est une captation d’une performance artistique réalisée en bord de mer. Le rituel commence tôt le matin au cinquième jour du mois de récolte d’août. Des cadres métalliques émergent de la mer, soutenant des herbes flottantes et des bocaux remplis d’algues et d’eau de mer, tandis qu’une équipe d’artistes prépare et propose des délices de la mer. Les vagues menacent d’engloutir le laboratoire, mais dans une action répétitive, les structures, les algues et les bocaux sont transportés au-delà de la ligne de crue témoignant de la relation complexe et dynamique entre l’humanité et l’environnement. Ces éléments créent des “récits tissés à partir des fils du passé, du présent et de l’avenir”, qui subliment la fragilité de la nature et la manière dont nous interagissons avec elle.
Annemarie Maes est une artiste qui explore la frontière entre la nature, l’art et la science. Elle utilise des méthodes scientifiques et biotechnologiques pour explorer les systèmes vivants et les écosystèmes en tant que sujets artistiques, créés avec des médias biologiques, numériques et traditionnels. Les caractéristiques physiques et esthétiques des matériaux qu’elle utilise déterminent largement la forme de ses sculptures, objets ou œuvres textiles. Dans “Microbial Ancestors”, elle se concentre sur le pouvoir transformateur des bactéries, mettant en valeur les processus naturels de collaboration et de symbiose.
https://soundcloud.com/cwb_paris/symbiosium_audioguide-annemarie-maes-microbial-ancestors

C’est en étudiant le lichen que le botaniste et microbiologiste Anton de Bary, au 19ème siècle, formule l’hypothèse que celui-ci est un symbiote, une association mutuelle et bénéfique entre une algue et un champignon. Cette hypothèse est raillée, moquée, sans doute parce qu’elle est aux antipodes des conceptions majoritaires de la biologie de l’évolution qui n’envisagent le vivant qu’à travers les prismes du parasitisme et de la prédation. Avec l’intuition d’Anton de Bary, c’est une histoire parallèle et minoritaire de la compréhension de la vie sur terre, à rebours des certitudes et mythes fondateurs de la modernité, qui commence à s’écrire. Aujourd’hui, la symbiose irrigue pensées, pratiques et imaginaires et nous introduit à un dialogue sensible avec le vivant dans toutes ses étendues et ses ramifications. Le symbiosium, néologisme inspiré du symposium de la Grèce antique, aspire quant à lui à devenir le lieu d’une création collective entre toutes les communautés des êtres vivants. La figure du symbiosium est la spirale, ses acteurs sont des algues, champignons, coraux, plantes, animaux et micro-organismes.